Médiatrices Interculturelles à l’Hôpital
Cette initiative se situe dans le cadre de la Conférence Interministérielle à la Politique de l’Immigration (12.03.96). Cette dernière reconnaît la nécessité de faciliter l’accès aux soins de santé, par l’amélioration de la communication entre les patients issus de l’immigration, leurs familles et les professionnels de la santé, par une meilleure compréhension de la culture, des codes et des valeurs respectives.
Dans l’objectif de poursuivre et de développer des expériences de médiation interculturelle dans les hôpitaux et de mettre en oeuvre une solution structurelle en ce sens pour l’année 1998, le Ministre des Affaires Sociales, Magda Degalan a présenté à la Conférence Interministérielle à la Politique de l’Immigration, un projet relatif à la Médiation Interculturelle dans les Hôpitaux.
Le projet est dirigé et suivi par un Comité de Pilotage composé de représentants du Cabinet du Ministre fédéral des Affaires Sociales, des Cabinets des Ministres communautaires et régionaux et des administrations concernées, d’un représentant du Centre d’Égalité des Chances et des coordinateurs du projet.
Concrètement, 12 équivalents temps plein (4 par région) pour la médiation et 2 équivalents temps plein (un pour la Communauté flamande et un pour la Communauté francophone) pour la coordination scientifique devaient être opérationnels d’avril à décembre 1997.
Les Médiateurs interculturels sont engagés par les associations (le CSCIN, le CUNIC et Résonances pour la Région Wallonne) et interviennent au sein des hôpitaux qui ont passé une convention avec le Ministre des Affaires Sociales et une des associations.
Les médiatrices retenues sont d’origine maghrébine et turque, afin de pallier à une communication déficiente entre ces communautés et les professionnels de la santé.
Les aspects traités sont : – sélection de candidates, élaboration du projet (rôle des différents acteurs, analyse de la faisabilité du projet), rencontre avec la cellule de médiation, les autres associations et les hôpitaux.
CHRONOLOGIE DU PROJET
La plupart des dispositifs d’insertion sociale, économique et culturelle conçus et mis en place fonctionnent sur base des structures. Or, c’est beaucoup plus au niveau des relations interpersonnelles que se négocient concrètement l’intégration et l’adaptation de chacun dans la société.
Le C.A.I., depuis de nombreuses années déjà, confronté aux demandes des personnes d’origine étrangère rencontrant des obstacles dans leurs relations avec les services publics, les associations, les services sociaux, les hôpitaux, … a pu constater la nécessité d’accompagner ces personnes auprès de ces institutions. D’autre part, des écoles, des centres PMS, des hôpitaux, des services d’aide à la Jeunesse,…ont fait part au CAI de difficultés de cerner la culture de leur public d’origine étrangère et de concevoir une intervention adaptée à ce public.
En 1994, un groupe de réflexion autour du thème « jeunes filles en rupture avec leur communauté » s’est réuni à plusieurs reprises et a tenté de dégager les difficultés que rencontrent des services spécialisés (AMO, SPJ,…) lorsqu’ils doivent intervenir quand il y a rupture entre la jeune fille et sa famille d’origine turque ou maghrébine. La même année, un groupe « enfants étrangers à l’école » s’est mis en place…
En 1996, lors des Assises de l’Intégration en Province de Namur, un état des lieux des difficultés a été tenté et des propositions ont été faites pour mieux prendre en compte la multiculturalité croissante de notre société.
C’est ainsi que depuis décembre 1997, à la demande du Ministère Fédéral des Affaires Sociales, un service de médiation interculturelle a été mis en place au C.A.I. et consacré principalement à l’exercice de la médiation au sein du Centre Hospitalier Régional de Namur.
D’autre part, depuis quelques années déjà, divers services et institutions font appel au C.A.I. pour des interventions de médiation interculturelle.
CHRONOLOGIE DE L ‘ACTION
Dès l’annonce de la création d’un service de médiation interculturelle au CHR de Namur, les responsables du CAI, du CHR de Namur et une représentante de la cellule de coordination scientifique du Ministère des Affaires Sociales se rencontrèrent à maintes reprises en vue de concevoir :
- L’organisation du service de médiation interculturelle,
- Son intégration au sein de l’hôpital et Son encadrement
- La formation continue des médiateurs interculturels La collecte des données
L’ORGANISA TION
Fonctionnement
Le service de médiation interculturelle au CHR de Namur est rattaché au service de l’accueil du patient. Il est composé de 2 médiateurs à mi-temps. Ceux-ci interviennent pour toutes les cultures et assurent l’interprétariat pour les langues arabe et turque. Ils peuvent intervenir auprès de tout service de l’hôpital qui en fait la demande. De plus, ils peuvent se présenter spontanément au patient pour l’informer de l’existence du service de médiation interculturelle. Enfin, ils peuvent participer, à la demande du service à des réunions internes.
Encadrement
- Encadrement interne
Pour toutes les questions d’organisation interne, les médiateurs interculturels peuvent faire appel à la responsable du service accueil du patient du CHR qui joue le rôle de personne de référence au sein de l’hôpital. La proximité et la disponibilité de cette personne de référence sont des éléments clés de la bonne intégration des médiateurs interculturels au CHR de Namur.
- Encadrement externe
La direction du CAI assure le suivi de toutes les questions liées aux contrats d’emploi (congés, nombre d’heures de prestation,.
Enfin, le responsable du service médiation interculturelle du CAI prend en charge tout ce qui concerne l’accompagnement pédagogique des médiateurs interculturels et pour les questions liées à la fonction de médiation interculturelle.
Communication interne
Dès l’entrée en fonction des médiateurs interculturels, une stratégie de communication interne a été conçue en vue d’informer le personnel du nouveau service et d’assurer une intégration rapide et positive de celui-ci au sein de l’hôpital. Nous pouvons résumer cette stratégie en trois points :
- Communication écrite
- Un courrier a été adressé à tous les services du CHR. Celui-ci contenait une information de la création du service, des heures de permanence, de la localisation et des n o de téléphone des médiateurs interculturels.
- Une affiche de présentation du service en français, arabe et turc.
- Présentation du service dans la brochure générale distribuée à tous les patients. Un mot de bienvenue en arabe et en turc a aussi été inséré dans la brochure.
- Séances d’information
Dès le début, les médiateurs interculturels ont participé à des séances d’information pour:
- Le comité de direction
- La direction médicale
- Le comité des infirmiers chefs de service
De plus, durant les deux premières semaines, tous les services du CHR ont accueilli les médiateurs interculturels. Ceux-ci ont aussi pu observer le personnel de différents services dans ses tâches quotidiennes.
Communication externe
Le service a été présenté dans le bulletin de liaison du CAI diffusé à plus de 500 exemplaires en Province de Namur.
L’affiche multilingue de présentation a été diffusée à Namur auprès des communautés d’origine étrangère au monde associatif et public belge.
Des séances d’information ont été organisées au sein d’associations turques et marocaines. Les médias (presse écrite et canal c) ont présenté le projet.
LA FORMA TION
Supervision
La supervision, assurée par le service de médiation interculturelle du CAI a consisté en l’accompagnement pédagogique des médiateurs interculturels. Des séances hebdomadaires de 3h ont permis de clarifier le rôle et la fonction de la médiation, de préciser les limites de cette fonction, de trouver des solutions à des cas complexes,…
En plus de ces séances hebdomadaires, des séances extraordinaires ont été organisées à la demande des médiateurs concernant des cas spécifiques et urgents.
La supervision se structure autour de quatre axes :
- La collecte des données
- Les séances de supervision au CAIPN à raison d’une séance de deux heures hebdomadaires. Au début du projet, les situations étaient analysées en mettant en évidence la question de l’intégration harmonieuse de la médiation interculturelle dans la structure hospitalière. Par la suite, ont été abordées, notamment, les questions
-de déontologie et d’éthique de la médiation,
-de l’importance de la pudeur et de l’honneur,
-de la clarté de l’information,… - Les supervisions ad hoc : à la demande des médiatrices ou d’un membre du personnel. Exemple : demande d’intervention externe par le service psychiatrique ; liaison avec bureau des plaintes contre le racisme, lien avec les associations immigrées,…
Des supervisions collectives ont été proposées. Ainsi, le 6 mars 1998, à Namur, une supervision collective a réuni les médiatrices de Bruxelles, Namur, Liège et Charleroi, ainsi que les personnes chargées de la supervision. Cette séance, exceptionnelle, a notamment permis de mettre en évidence les différences aux niveaux :
- des contextes de l’intervention des médiatrices,
- des modalités d’intervention
- des limites de la médiation interculturelle
- des publics
Coordination
Avant que la convention portant sur le projet de médiation interculturelle ne soit signée, une volonté de collaboration étroite caractérisa les relations entre le CHR et le CAI. C’est ainsi que toutes les décisions importantes concernant le service de médiation interculturelle au sein de l’hôpital ont été prises après consultation mutuelle.
Cette coordination a permis de préciser le partage des tâches, l’établissement de l’horaire, les modalités de fonctionnement, les relations avec les autres services,…Cette coordination et le climat positif de collaboration est la clé de voûte de la réussite du projet et de la bonne intégration du service au sein de l’hôpital.
La collecte des données pour l’évaluation
Dès l’engagement des médiatrices et leur entrée en fonction au CHR de Namur, la question de la collecte des données a été au centre des préoccupations du CAIPN. Et ce, à deux niveaux.
Premièrement, les données concernant le nombre et le type d’intervention, le public touché,… nous semblaient essentielles pour une réelle évaluation du projet en octobre 1998. Evaluation dont dépendait la prolongation même du projet.
Deuxièmement, dans la conception de la supervision au CAIPN, partir de données réelles, de situations vécues par les médiatrices et d’interventions effectuées à l’hôpital est essentiel pour l’analyse des pratiques de médiation et l’amélioration de l’efficacité de celles-ci. En conséquence, la collecte de données fait partie intégrante du processus de supervision.
- La collecte des données au CAIPN
Le CAIPN a d’abord conçu son propre protocole de collecte d’information. Celui-ci devait pouvoir rencontrer les deux préoccupations susmentionnées : l’évaluation du projet et la fourniture d’informations utiles à la supervision et l’accompagnement des médiatrices. Cette collecte a débuté dès janvier 1998 et a contribué, notamment, à
- l’amélioration significative de la pratique de médiation et du suivi des cas
- une meilleure intégration des médiatrices au sein du personnel hospitalier
- suivre l’évolution du nombre et du type d’intervention
Le 13 février 1998, la cellule de coordination du projet propose, pour lecture et correction, un questionnaire d’évaluation. Celui-ci a été lu et corrigé par le responsable de la supervision et soumis aux médiatrices pour expérimentation et adaptions éventuelles.
Le résultat de ces modifications a été transmis à la cellule. Les modifications portaient entre autres sur le caractère trop intrusif de certaines questions (exemple : quelle est la source de revenu du patient ?) ou sur des informations menaçant la confidentialité des données médicales (exemple mentionner le code du patient).
Le questionnaire définitif de la cellule de coordination scientifique nous a finalement été transmis pour exploitation pendant le mois de juin 1998.
Entre temps, les médiatrices interculturelles à Namur rédigent, pour chaque intervention, un rapport.
TERRAINS D’ACTION
Dès le départ, tous les services du CHR ont pu faire appel aux médiateurs interculturels. De décembre 1997 à juin 1998, les médiateurs interculturels sont intervenus principalement dans les services suivants .
Répartition par service :
EVALUATION QUANTITATIVE
Intervention par nationalité:
ELÉMENTS FACILITATEURS
- Soutien du projet par la direction ;
- Excellente collaboration entre la responsable du service accueil du patient du CHR et le responsable service médiation interculturelle du CAI ;
- Formation centrée sur la pratique professionnelle ;
- Accueil favorable auprès de TOUT le personnel du CHR Réaction favorable des patients ,
- Collaboration avec des membres de différents services à propos de cas difficiles ;
PROBLÈMES RENCONTRÉS
- Au début, le personnel avait des difficultés à faire la différence entre « médiation » et « interprétariat » ,
- Limitation aux seules langues arabe et turque. Demande pour les patients d’origine africaine, albanaise,…
- Limitation du terrain d’action. Demande de certains services pour des interventions au domicile des patients ,
- Difficultés liées au démarrage du projet et à l’incertitude de la poursuite de l’expérience .
APPRÉCIA TION PAR LE PUBLIC CIBLE
Pour le personnel :
Meilleure communication avec les patients , Augmentation de la qualité de l’accueil ;
Pour les patients :
Amélioration de l’accueil ;
Facilitation de la compréhension des formalités « médico-administratives »;
Meilleure compréhension des différents examens et traitements préconisés par le personnel médical ;